Entretien avec Vincent Harnois, responsable technico-commercial depuis 2009 au sein de la société Nautipark, spécialisée dans la fabrication de matériels de calage et de manutention pour bateaux depuis 1994, équipant trois quarts des ports français et disposant d’un bureau d’étude intégré consacré entre autres à l’analyse des retours d’expérience.
- CRTL : Quelle est le contexte actuel du calage de bateaux de plaisance en France ?
J’observe depuis 10 ans une grande avancée en matière de calage, particulièrement dans les ports de plaisance. Cette avancée s’inscrit dans une démarche globale d’amélioration de l’activité portuaire qui s’exprime notamment par un carénage plus écologique et une normalisation des matériels de manutention et de calage.
Quatre améliorations se mettent en place :
– La professionnalisation des manutentionnaires ;
– La normalisation des bers de calage (certifiés CE) respectant certaines normes de sécurité ;
– L’ergonomie pour les caleurs et manutentionnaires ;
– L’efficacité, car un professionnel plus rapide à caler peut caler davantage de bateaux et améliorer sa rentabilité.
Néanmoins, je constate encore une importante disparité entre les ports et les chantiers navals ; les premiers sont plus dans la sécurité, les seconds plus dans l’efficacité.
- CRTL : Quelles sont les principales causes d’incidents affectant les bateaux de plaisance en phase de stockage sur terre-plein ?
Il y a beaucoup plus de voiliers que de bateaux à moteur qui chutent.
J’identifie deux causes majeures d’incidents :
– Les voiles à poste :
C’est un classique, la première raison de chute d’un voilier. Typiquement, le génois sur enrouleur crée une prise au vent importante pouvant faire tomber le voilier et parfois entraîner une chute en chaîne de plusieurs unités.
– Un calage défaillant :
Je vois souvent des épontilles utilisées avec des patins positionnés au plus large possible du bateau (le plus à l’extérieur), ce qui n’est pas une bonne solution. Un patin doit travailler en compression (le plus à l’horizontale possible), non à l’écartement. Il n’y a aucun risque de surcharge si le poids du bateau repose sur sa quille.
Sur nos épontilles, nous avons prévu des indicateurs de couleurs. Vert, le patin travaille à plat. Plus il prend de l’angle, plus il va vers le rouge, moins l’épontille a d’intérêt.
- CRTL : Quelles bonnes pratiques conseilleriez-vous de suivre systématiquement pour un calage sûr, de qualité, et efficace ?
– Obtenir le plan de calage du constructeur du bateau :
Avant tout, l’idéal est d’obtenir le plan de calage du constructeur, qui pour les bateaux récents se trouve dans le manuel du propriétaire. Si ce n’est pas le cas, j’invite le propriétaire du bateau à appeler son concessionnaire pour l’obtenir. Si aucun plan de calage n’est disponible, il est nécessaire d’identifier les renforts structurels de la carène (cloison, varangue, membrure) en sondant la coque à l’aide d’un maillet, d’une clé plate ou de sa main.
Lorsque les voiles sont à poste, le mât peut entrer en vibration et le voilier « danser » sur ses bers. Si les épontilles appuient sur des zones molles, le mouvement est amplifié jusqu’à une possible perforation de la coque. Si elles sont sur des points durs, le mouvement est contenu.
Certains chantiers commencent à indiquer par des autocollants les points d’épontilles.
– Faire reposer 80 à 90% du poids du bateau sur sa quille :
C’est primordial, qu’il s’agisse d’un voilier ou d’un bateau à moteur. Si ce n’est pas le cas, le bateau est en suspension. Or, les épontilles, de par leur fabrication, présentent un jeu entre la chandelle mâle et la chandelle femelle. Cette suspension crée une instabilité, le bateau peut bouger, voire chuter.
Pour un quillard, la quille doit être posée sur deux madriers disposés perpendiculairement à l’axe du voilier. Pour un bateau à moteur ou un dériveur intégral, elle doit être posée sur des supports (tins, tréteaux, ou autres) placés au niveau des renforts et répartis sur la longueur de la ligne de quille pour éviter une charge locale excessive.
La charge maximale d’utilisation (CMU) de tous les supports doit pouvoir supporter 110% du poids du bateau.
Illustrations fournies par M. Harnois. |
– Adapter le calage :
Les stabilisateurs latéraux sont essentiels, il faut utiliser un matériel en bon état, adapté à la forme et à la longueur de la carène. La charge maximale d’utilisation (CMU) de tous les stabilisateurs doit pouvoir supporter 50% du poids du bateau.
Quand le bateau reste quelques jours en zone technique ou sur une aire de carénage, on a tendance à laisser les voiles à poste, il faut alors renforcer le calage avec d’autres épontilles et/ou réaliser un arrimage / haubanage au sol sur des points fixes. En période d’hivernage, l’essentiel est de positionner correctement les épontilles et d’ajuster l’angle des patins.
Lorsque l’étrave est effilée, l’angle au niveau des patins est important, on solidarise les deux patins de chandelles pour éviter qu’ils ne s’écartent vers l’extérieur. Pour un bateau à moteur muni d’une carène planante en V, on place les patins au niveau des redans.
Photographies fournies par M. Harnois. |
- CRTL : Que souhaitez-vous pour l’avenir du calage de bateaux de plaisance en France ?
Dans le nautisme, le calage est encore le parent pauvre en comparaison à la voilerie, aux moteurs notamment. En traversant la France au quotidien pour rencontrer des ports de plaisance et des chantiers, j’espère contribuer à mettre en commun et transmettre les expériences de chacun, mais aujourd’hui, il n’existe pas encore vraiment de concertation sur le sujet.
Il serait très intéressant de construire un groupe de travail rassemblant des fabricants de bers, des manutentionnaires qui auraient beaucoup à dire sur l’ergonomie des bers, des assureurs qui apporteraient un aspect sécuritaire et normatif. Le rôle des fabricants serait alors de proposer des solutions efficaces et visant à standardiser les calages.
Pour plus d’infos sur le calage chez Nautipark : https://www.nautipark.com/caler-bers-de-calage/