La définition de la force majeure est édictée par l’article 1218 du code civil lequel dispose qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
En d’autres termes, un cas de force majeure réunit trois conditions cumulatives :
- L’imprévisibilité, l’événement ne pouvait être raisonnablement prévu à la conclusion du contrat ;
- L’irrésistibilité, le débiteur ne pouvait pas prévenir les effets de l’événement ;
- L’extériorité, l’événement doit échapper au contrôle du débiteur.
La force majeure pourrait-elle être retenue concernant la pandémie de covid19 ?
Une première décision de la CA de Colmar (6e ch, 12 mars 2020 n°20/01098) vient de statuer sur la qualification de la force majeure de l’épidémie de Covid19.
En l’espèce, l’appelant, M G, demandait au tribunal d’annuler la décision de placement en rétention administrative prise à son encontre.
Or celui-ci n’a pu être conduit au tribunal pour y comparaitre « en raison de circonstances exceptionnelles et insurmontables, revêtant le caractère de la force majeure, liées à l’épidémie en cours de Covid19. »
M. G et en effet détenu dans un centre de rétention au sein duquel se trouve un individu présentant les symptomes de la maladie.
Cette décision qualifie donc le risque de contagion par la Covid19 de force majeure et non seulement la contagion en elle-même.
Si l’on tire les leçons de cette décision pour les transposer au cas de la Covid19, le débiteur qui veut mettre fin à son contrat ou bien ne pas exécuter son obligation en nature devra prouver qu’il n’a pas pu anticiper les obligations sanitaires ou de confinement (ce qui est fort possible tant la mesure est nouvelle).
En outre, il devra démontrer qu’il n’a pas été ou qu’il n’est pas possible pour lui de trouver d’autres solutions.
Enfin, il faudra établir le lien de causalité entre son impossibilité de payer ou d’exécuter en nature et l’épidémie de Covid19. Il sera nécessaire par exemple de montrer, pièces comptables à l’appui, que ses difficultés de trésorerie sont bien nées à l’occasion de l’épidémie.
Une seconde décision de la CA de Douai du 5 mars 2020 va en ce sens, concluant qu’un vol vers l’Italie ayant été annulé par les autorités italiennes en raison de l’épidémie de Covid19 est une circonstance de force majeure.
Concernant la maladie, la jurisprudence a déjà eu l’occasion de statuer sur ce thème :
La Cour de cassation a déjà été saisie de la question dans un arrêt Mittenaere d’Assemblée Plénière en date du 14 avril 2006 n°02-11.168 concernant la commande d’une machine à un fabricant dont l’état de santé avait eu pour conséquence de retarder la date de livraison.
Une nouvelle date a été fixée et la nouvelle date de livraison n’a pas été respectée en l’espèce.
Le fabricant est décédé quelques mois plus tard d’un cancer sans que la machine ait été livrée au destinataire. Ce dernier assigne donc les héritiers en paiement de dommages-intérêts et résolution du contrat.
La Cour de Cassation rejette sa demande arguant qu’aucun dommages-intérêts n’est dû lorsque, par la suite d’un cas de force majeure, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé. La Cour de Cassation rappelle les caractères de la force majeure et souligne le fait que l’incapacité physique résultant de l’infection était survenue après la conclusion du contrat.
Concernant les épidémies, la jurisprudence est hétérogène :
Concernant la présence du virus Chikungunya dans un hôtel, la CA de Basse Terre (arrêt du 17 décembre 2018 n°17/00739) a estimé que les conditions de la force majeure n’étaient pas réunies puisque la maladie était généralement surmontable (pas d’irrésistibilité).
La CA de Nancy a rendu le 22 novembre 2010 n°09/00003 un arrêt dans le même sens concernant la dengue en Martinique.
Dans le cas de la Covid 19, ces solutions doivent être nuancées au regard de la rapidité avec laquelle celle dernière s’est développée et aux mesures de confinement adoptées tant qu’à la mortalité élevée du fait de son mode de transmission.
Néanmoins, il est à relever que Bruno Lemaire, le Ministre de l’économie et des finances, a déclaré le 28 février que la Covid19 serait « considérée comme un cas de force majeure pour les entreprises ».
De plus, la théorie de l’imprévision pourrait aussi être envisagée. En effet l’article 1195 du code civil dispose que « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assurer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. »
A la différence de la force majeure, qui rend l’exécution du contrat impossible, les critères de la théorie de l’imprévision rendent son exécution préjudiciable.
Cependant, cette disposition n’étant pas d’ordre public, elle peut être écartée par la convention des parties.