Rappel des faits :
Le 20 mai 2021, le porte-conteneurs « X-Press Pearl », feeder d’une capacité de 2.700 EVP mis en service en février 2021, signale un départ d’incendie alors qu’il se trouve au mouillage de Colombo (Sri Lanka).
Le 2 juin 2021, à l’issue de 13 jours de lutte contre l’incendie, le X-Press Pearl sombre à une profondeur d’environ 21 mètres au large des côtes Sri Lankaises.
Circonstances et causes de l’incendie :
Le 11 mai 2021, une fuite a été détectée par l’équipage sur un conteneur d’acide nitrique chargé en pontée à Jebel Ali (Dubaï) le 10 mai 2021.
Suite à cette découverte, des demandes ont été faites aux ports d’Hazira (Inde) et d’Hamad (Qatar) pour débarquer ledit conteneur.
Ces demandes ont été refusées faute de moyens techniques et d’expertise immédiatement disponibles.
Le navire s’est donc dirigé vers son prochain port d’escale situé à Colombo (Sri Lanka) où il est arrivé au mouillage dans la nuit du 19 mai 2021.
Le 20 mai 2021 en fin de journée, un départ d’incendie est localisé à l’avant du navire sur tribord.
Sur les vidéos de l’armée Sri-lankaise, le point d’ignition est clairement identifié en « bay » n°5/6 légèrement sur tribord.
Le haut du cône est cerclé en rouge avec un dépôt de suie sur les parois des conteneurs. Le conteneur le plus dégradé est identifié en partie centrale avec sa paroi de toit complétement calcinée. Une fumée blanche relativement épaisse se dégage de l’épicentre.
Le 25 mai 2021 au matin, une explosion importante est entendue depuis la cale n°2.
L’incendie s’est intensifié et propagé vers l’arrière du navire du fait notamment des vents soutenus (20 à 35 km/h) en direction du nord-est.
Cet incendie a également été favorisé par la présence d’acide nitrique.
Bien que l’acide nitrique soit un composé ininflammable, le mélange de cette substance fortement comburante (oxydant de catégorie 2) avec des produits combustibles peut provoquer un incendie par réaction exothermique puis en favoriser la propagation.
Les réactions de l’acide nitrique avec de nombreux composés organiques ou certains mélanges, sont violentes et peuvent conduire à des explosions.
A ce titre, la Fiche de Données Sécurités (FDS) du produit indique dans la partie stockage :
« Tenir à l’écart des substances combustibles, des agents réducteurs, des bases, des produits chimiques organiques et des produits destinés à l’alimentation humaine et animale. Conserver au froid. Sec. Conserver dans un local bien ventilé. Conserver dans son récipient d’origine. »
Pour ce qui concerne la fuite d’origine, il est possible qu’un défaut d’emballage soit à considérer. Les règles d’emballage sont notamment définies par l’IMDG (code maritime international des marchandises dangereuses).
En conclusion, la seule fuite d’acide nitrique ne saurait expliquer l’incendie.
D’une part, la cause de cette fuite d’acide nitrique devra être identifiée (respect ou non du code IMDG) ainsi que la compréhension de la réaction chimique ayant conduit au départ d’incendie puis à l’explosion.
D’autre part, les méthodes de luttes contre l’incendie seront à étudier afin de déterminer si elles étaient appropriées à la situation et informations disponibles.
Dernier point, les refus d’accueil des ports d’Hazira et d’Hamad seront vraisemblablement examinés dans la mesure où une prise en charge adaptée aurait pu permettre de limiter voire d’éviter cette catastrophe si tant est qu’il n’était pas déjà trop tard.
Le Voyage Data Recorder (boite noire) du navire a été récupéré par les autorisés locales et produira des éléments importants pour comprendre ce sinistre majeur.
Catastrophe écologique
Le chef de l’Autorité de protection de l’environnement marin, Dharshani Lahandapura, a déclaré qu’il s’agissait du «pire accident jamais survenu de son vivant».
L’Autorité de protection de l’environnement marin (MEPA) du Sri Lanka a demandé à la National Building Research Organization de mener une étude d’impact sur la pollution atmosphérique causée par l’incendie du X-Press Pearl.
A son bord, se trouvaient 1.486 conteneurs, remplis d’aliments, de cosmétiques, de médicaments, de produits chimiques (d’acide nitrique, d’hydroxyde de sodium), de granulés plastique (78 tonnes) et de pièces détachées. 300 tonnes de fioul lourd étaient également présentes dans ses réservoirs.
Des représentants de l’International Tankers Owners Pollution Federation (ITOPF) et de l’Oil Spill Response (OSR) ont été déployés pour surveiller toute marée noire et aider au nettoyage des plages.
Bien qu’un reflet gris émanant de l’épave soit observé, aucune fuite d’hydrocarbure n’a été décelée.
Si la marée noire reste une menace latente, pour la biodiversité marine, sa visibilité en fait une pollution « moins » redoutable.
Au contraire des produits chimiques évaporés dans l’atmosphère et répandus dans les profondeurs de la mer.
Ainsi entre 8.000 et 13.000 tonnes métriques de polluants atmosphériques ont été libérées dans l’atmosphère en fonction de la quantité de masse brûlée de l’incident.
Les premières images cruelles de tortues, baleines et dauphins morts sont relayés par de nombreux articles de presse et témoignages sur les réseaux sociaux.
Pour ce qui concerne les 78 tonnes de granulés plastiques, ils sont eux sont bien visibles sur les 300 kilomètres de côtes au Sri Lanka.
Cette pollution a entraîné l’arrêt des activités de pêche (9900 pêcheurs affectés) pourtant vitales pour la population.
Préjudice financier
Le Sri Lanka a annoncé le 12 juin qu’un dédommagement de 40 M$ avait été demandé à l’armateur X-Press Feeders pour la pollution massive occasionnée.
Pour ce qui concerne le préjudice matériel, le navire et sa cargaison sont à considérer en perte totale.
La perte marchandise est évaluée à hauteur de 100 M$ alors que la valeur du navire est estimée à 50 M$.
Les coûts d’intervention, de surveillance et d’évacuation du navire (prévue en septembre) seront également importants.
Le Swedish Club (P&I) a confirmé qu’il est le principal Assureur Corps du X-Press Pearl.